Article

'Leave Your Mark': recherche de sens, apprentissage et résilience

Ans De Vos : Messages clés pour 'Leave Your Mark'
  • #1 : Adopter l’idée des cycles d’apprentissage
  • #2 : Gérer les parties prenantes
  • #3 : Développer de la résilience et un comportement flexible

Les opportunités de carrière sont nombreuses à l’heure actuelle, contrairement à ce qu’elles étaient il y a 50 ans. Et pourtant, de nombreux employeurs et employés sont restés coincés dans cette ancienne vision de la carrière professionnelle.

Ans De Vos et Next Generation Work

Pour 'Leave Your Mark', une série de 6 entretiens en ligne réalisés par TriFinance avec des dirigeants au sujet de leurs carrières, Ans De Vos a préparé 3 messages clés sur les carrières et la gestion (ou l’autogestion) de celles-ci, que tous les travailleurs devraient adopter.

Le Professeur De Vos est SD Worx Chair 'Next Generation Work' à l’Antwerp Management School. Depuis 2011, elle étudie les carrières et leur évolution en Belgique et à l’étranger. Les sujets sur lesquels elle se concentre sont la numérisation, le travail flexible, l’emploi durable et la mobilité professionnelle.

Le 3 juin 2020, le Gouvernement flamand a demandé au Professeur De Vos de rejoindre les comités d’experts sur la reprise économique et le marché du travail, qui sont chargés de conseiller le gouvernement en matière de relance économique et de mise en place de mesures efficaces, leviers et autres instruments de reprise pour le marché du travail. Dans cette vidéo, elle explique comment il est possible de booster l’employabilité en repensant le concept de carrière. Le texte ci-dessous est une retranscription modifiée du contenu de la vidéo.

Discours d’Ans De Vos pour 'Leave Your Mark'

Message #1 : Adopter l’idée des cycles d’apprentissage

Il faut envisager la signification du mot "carrière" avec attention. Notre idée de ce qu’est une carrière a largement évolué au cours de ces 50 dernières années. De nombreuses personnes ont encore une vision traditionnelle de comment une carrière doit être menée, c’est pourquoi je vous demande à tous de réfléchir au modèle mental que vous avez de votre propre carrière.

Dans le passé, une carrière était vue comme une évolution linéaire vers le haut que les travailleurs réalisaient tout au long de leur vie professionnelle. Il s’agissait d’un modèle très prévisible, qui offrait aux gens une vue claire des compétences et de l’expérience nécessaires pour la prochaine étape de ce processus. Très souvent, cette prochaine étape se faisait auprès du même employeur, dans la même fonction, mais à un niveau hiérarchique supérieur. Ce modèle est loin d’être stimulant ou motivant, d’abord car il est prévisible, mais aussi parce qu’il est aujourd’hui totalement dépassé.

Dépassé pour de nombreuses raisons. L’une de ces raisons est que les employeurs ne peuvent tout simplement plus offrir ce genre d’opportunités prévisibles, car leur environnement de travail est devenu imprévisible. En effet, comment une organisation peut-elle promettre une prochaine étape de carrière si elle ne sait pas à quoi ressemblera l’année à venir ?

Une autre raison est que les carrières sont de plus en plus longues. Les Belges continuent de prendre leur retraite au début de la soixantaine, mais c’est un fait : nous devons travailler plus longtemps. Nous devons nous demander s’il est réaliste que nous fassions le même travail pendant les plus de 40 ans que compte notre carrière.

Au lieu d’envisager une carrière comme un escalier, il faut plutôt penser en termes de cycles d’apprentissage

Ans De Vos

Ne serait-il pas plus réaliste d’adopter une vision de notre carrière qui nous permettrait de "rajeunir" au fil des ans ? Après avoir acquis plusieurs compétences et découvert les domaines dans lesquels nous excellons, ce que nous aimons faire et les aptitudes et talents que nous aimerions développer à l’avenir, il est peut-être temps de changer d’employeur, de se lancer comme indépendant(e) ou bien même de reprendre des études afin de développer ces nouvelles aptitudes et compétences.

Au lieu d’envisager une carrière comme un escalier, il faut plutôt penser en termes de cycles d’apprentissage. Cette démarche ramène le concept de carrière à ce qu’il est au départ : ce que l’on fait au jour le jour. En faisant votre travail jour après jour, vous construisez votre carrière.

Au cours d’un cycle d’apprentissage qui démarre le jour où on entame un nouveau job, on apprend d’abord à faire les choses correctement, car il faut obtenir des résultats et répondre à des attentes. Ensuite, en faisant les choses différemment, on réalise qu’on peut obtenir de meilleurs résultats. On finit alors même peut-être par dépasser les attentes. Au moment où l’on réalise qu’on maîtrise le contexte et la fonction et qu’on connaît suffisamment l’entreprise, on peut se demander où placer nos priorités. Dans chaque cycle d’apprentissage, il y a une évolution de "faire les choses correctement" à "faire les choses mieux" et ensuite à "faire les bonnes choses dans les rôles qu’on occupe".

Au sommet de cette courbe, on peut ressentir une impression d’accomplissement. Les gens nous félicitent, et cette reconnaissance se ressent sur la fiche de paie. Des personnes nous demandent du feed-back.

En même temps, il se peut qu’on arrive dans une zone de confort.

C’est à ce moment qu’il faut se demander combien de temps on veut rester là, et s’il est sain de se cantonner à cette zone de confort. Ce pourrait être le moment de quitter le job actuel pour se lancer dans un nouveau cycle d’apprentissage. Peut-être au sein de la même entreprise ou du même département, ou bien dans un autre département ou une autre entreprise. Changer d’emploi ou de rôle implique de revenir quelque peu en arrière dans notre courbe d’apprentissage. Dans chaque nouveau rôle ou poste, il faut développer de nouvelles compétences, rencontrer de nouvelles personnes, etc. Et au final, on arrive à un nouveau niveau de maîtrise.

Au fil des ans, on travaille peut-être à un objectif qu’on s’est fixé, mais une conséquence importante d’une évolution par cycles d’apprentissage est que l’on découvre ce qui compte vraiment pour nous. Les gens changent avec l’expérience qu’ils développent. Ce processus peut donner envie de remettre en question une ambition, de réfléchir où l’on veut réellement « laisser une trace ». Dans le concept de carrière actuel, ce principe de cycles d’apprentissage est très important, bien plus important qu’une suite d’étapes linéaire et prévisible sur une échelle.

Message #2 : Gérer les parties prenantes

Une carrière est quelque chose de très personnel. Les employés travaillent pour une entreprise et un employeur. C’est cet employeur qui "détient" le poste. Il est très important de comprendre que le poste ne représente pas la carrière. On peut être mécontent quand notre employeur supprime notre poste ou modifie certaines de nos tâches de base, mais notre carrière est quelque chose qui nous appartient. Elle n’appartient pas à notre employeur. Ainsi, la personne qui s’intéresse le plus à votre carrière devrait être vous-même.

Plus cette approche individuelle de la carrière sera adoptée (en comparaison avec la gestion de carrière organisationnelle utilisée dans le passé), plus il sera important que les gens connaissent leurs préférences, leurs forces, leurs objectifs et les compétences qu’ils souhaitent développer.

En même temps, il ne faut pas que tout finisse par tourner autour de vous. Une carrière durable, qui permet de concrétiser des objectifs professionnels, implique de tenir compte de toutes nos parties prenantes, sur le lieu de travail mais aussi à la maison.

C’est pourquoi il est important de se demander comment construire notre capital social dans un contexte organisationnel. Il ne s’agit pas uniquement de ce que nous faisons dans notre vie professionnelle, mais aussi des personnes dont nous avons besoin dans cette vie professionnelle. Des personnes qui peuvent nous donner du feed-back par rapport à ce que nous faisons bien, mais aussi par rapport aux points que nous pouvons améliorer. Des personnes qui peuvent nous mettre en contact avec d’autres.

À chaque changement d’employeur, on fait grandir notre réseau. Dans les limites d’une entreprise, les personnes de votre réseau peuvent être les gardiennes de nouvelles opportunités ou étapes de carrière, mais elles sont peut-être aussi bien placées pour une conversation concernant votre carrière.

Il est important d’avoir conscience que ces parties prenantes existent au travail, mais il ne faut pas en oublier pour autant les parties prenantes qui se trouvent à la maison. Une décision de carrière prise individuellement a toujours des répercussions sur le contexte dans lequel on vit. Ce contexte évolue, en fonction de si l’on est célibataire, parent, marié à quelqu’un qui voyage beaucoup pour son travail, etc. Certaines choses doivent être considérées comme des priorités, selon les besoins des personnes autour de vous, qu’elles fassent partie de votre vie privée ou de votre vie professionnelle.

Votre job appartient à votre employeur. Votre carrière n’appartient qu’à vous. La personne qui s’intéresse le plus à votre carrière doit être vous-même.

Ans De Vos

On constate que les personnes les plus prospères sont celles qui arrivent à trouver un équilibre entre ce qu’elles veulent, ce qu’attend leur employeur et ce que demandent leurs parties prenantes à la maison. Ces personnes sont celles qui finissent par travailler le plus longtemps en étant heureuses, satisfaites et mentalement en paix avec elles-mêmes.

Dans ce contexte, il est primordial de trouver une organisation dont la vision résonne en nous. Nous devons nous demander comment nous pouvons contribuer à cette vision. Il ne s’agit pas uniquement de trouver une entreprise dont la vision nous parlera à long terme, mais aussi de contribuer à cette vision au moyen de nos valeurs et de notre propre vision. Il faut également se demander combien de temps on doit rester dans un job et la patience que cela demande de travailler dans un projet jusqu’à y laisser une trace.

La variété et la mobilité sont importantes car elles permettent d’augmenter notre capital social et notre employabilité. Changer pour changer vous fera entamer beaucoup de choses sans jamais les terminer. Et dans ce cas, la recherche de sens devient vraiment superficielle.

Message #3 : Développer de la résilience et un comportement flexible

Les organisations et travailleurs s’efforcent toujours de prédire leur avenir. Ces derniers mois nous ont cependant appris que des prédictions rationnelles n’étaient plus possibles.

Les personnes les plus épanouies ne sont généralement pas celles qui ont un plan de carrière parfait dès le départ et qui le suivent à la lettre, mais plutôt les personnes qui sont ouvertes aux opportunités (et également aux revers) car elles savent qui elles sont, ce qu’elles font le mieux et quelles sont leurs valeurs. Cet état d’esprit prépare à n’importe quel changement.

Si l’on considère les compétences futures qui sont importantes pour des carrières où l’emploi est garanti, avec peut-être quelques périodes de chômage, un nouvel apprentissage ou un recul pour une raison quelconque, il est essentiel de développer de la résilience.

Vous devez donc développer un comportement flexible. Concentrez-vous sur les changements qui surviennent autour de vous et demandez-vous comment les surmonter, même si vous avez tendance à préférer la prédictibilité, l’ordre et la structure.

Il s’agit là des compétences indispensables pour l’avenir que nous entrevoyons dans les recherches internationales, mais également à l’échelle de la Belgique. Cette capacité d’adaptation au changement deviendra nettement plus importante que la recherche de la correspondance parfaite entre vous et une carrière à long terme, car il est naïf de penser que vous et le contexte de cette carrière resterez comme vous êtes aujourd’hui tout au long de votre vie professionnelle.

Je vous souhaite beaucoup de bonheur dans votre vie professionnelle !